Ariel
Un jour une femme étrange aux cheveux clairs et à la peau très blanche s’est présentée. Quand elle m’a pris dans ses bras, j’ai vu plein de tristesse dans son regard.
Bonjour, je m’appelle Ariel et j’ai un an et trois mois. Oui je suis petit mais je peux déjà dire que j’ai eu une vie très difficile. Je ne comprends pas vraiment ce qui se passe chez moi, au sein de ma famille. Je sais seulement que personne ne veut de moi.
Après ma naissance, j’avais faim et soif. Je pleurais, pleurais et pleurais mais personne ne me donnait à manger. La faim m’empêchait de dormir la nuit et ma maman se mettait en colère contre moi. Je ne comprends pas pourquoi, car normalement ce sont les mamans qui donnent à manger à leurs bébés.
J’ai commencé à me sentir très mal. J’avais sans cesse la diarrhée et je maigrissais beaucoup. Ma peau devenait de plus en plus sèche, et ma bouche aussi. Je ne pouvais même plus pleurer parce que mes larmes ne coulaient plus. Lorsque de temps en temps ma maman avait de l’argent, elle m’emmenait chez le médecin, mais les choses ne s’arrangeaient pas pour autant.
Un jour, une femme étrange, aux cheveux clairs et à la peau très blanche est venue. Quand elle me prenait dans ses bras, je voyais ses yeux remplis de tristesse. Mais je sentais qu’elle était mon seul espoir, parce que je voyais que ce qui m’arrivait ne la laissait pas indifférente. Ainsi, chaque fois qu’elle me prenait dans ses bras, je la regardais fixement avec mes yeux protubérants et de toutes mes forces, je lui donnais des coups dans la poitrine. J’étais épuisé parce que je n’avais pas beaucoup de forces.
Et ça a fonctionné. Ils m’ont emmené plusieurs fois chez le médecin. Certains venaient même jusqu’à chez moi, eux aussi étaient blancs avec des cheveux clairs. Ma maman a commencé à me donner du lait, des compotes et un liquide horrible qui s’appelle sérum. La femme à la peau blanche s’est fâchée contre ma maman parce que d’après les médecins, j’allais mourir, et elle voulait que ma maman prenne davantage soin de moi. Je voulais vivre et elle le savait. Pour lui faire comprendre, je rassemblais toutes mes forces afin de lui donner des coups dans la poitrine. 
J’ai commencé à me sentir mieux. Petit à petit j’ai cessé d’avoir la diarrhée. Mes côtes se voyaient moins à travers ma peau parce que je commençais à grossir. Mes cheveux ont poussé un peu plus et mes joues ont pris la forme de balles de tennis.

Maintenant je suis un bébé joufflu. Je m’assois tout seul, et si tu me tiens bien, je peux même faire quelques pas car mes jambes prennent des forces. Désormais je mange de tout, du lait, des compotes, du riz, l’assiette du voisin, tout ce que l’on peut me donner et qui ressemble à de la nourriture.
J’ai un gros appétit et maintenant il y a toujours de quoi manger. Je sais aussi réclamer : je tends la main vers ce que je veux manger, je dis « ah ! » et ils me le donnent. Et s’ils ne m’entendent pas, je dis « AH ! » et là ils me le donnent. Et s’ils ne me le donnent pas, je cris si fort que je les rends sourds et ils finissent par me donner ce que je veux. Parce que maintenant j’ai des forces pour crier et on peut m’entendre jusqu’à La Romana !
La femme blanche vient toujours me rendre visite. Elle m’apporte du lait et des couches. Je ne lui donne plus de coups dans la poitrine, parce que maintenant je vais bien, maintenant je suis vivant.

